48h tout court pour faire un film !
Et voilà, les jeunes (et moins jeunes) du Tout Court ! ont fait un film en 48h !
Pour le Tout Court ! ce fut une première mais pour beaucoup de participants c'était déjà la deuxième, troisième voire quatrième occurrence: la routine quoi. Voyez ici les films et making-of des années précédentes. D'autres ont connu cette belle aventure pour la première fois !
Ce s'est passé le week-end du 22 au 24 septembre dernier. Un vrai marathon de cinéma: beaucoup de bananes (et de café pour les plus âgés), très peu de sommeil, pas mal de stress, un sprint final... et un film à la clé !
Le 48h c'est quoi?
Le 48h c'est un concours international qui a lieu tous les ans dans plus d'une centaine de villes dans le monde. Une grande finale aux USA départage ensuite les gagnants de chaque ville.
Le principe: lors d'un kick-of réunissant toutes les concourants le vendredi soir, chaque équipe tire un couple de genre de film au sort. Puis sont données à toutes les équipes trois éléments (les mêmes pour tous): un personnage (nom, métier), un objet et une ligne de dialogue. 48h plus tard, à la seconde prêt, chaque équipe doit avoir rendu un film achevé, d'une durée comprise entre 4 et 7 minutes, respectant un des deux genres tiré au sort et incluant les trois éléments. Un vrai défi !
A Paris, le 48h à lieu tous les ans fin septembre. Il est l'un de ceux qui, chaque année, connait le plus de succès au monde avec en moyenne 150 équipes dans les starting blocks ! A la fin, environs 120 qui parviennent à rendre un film dans les temps - car oui, chaque année il y a des équipes qui échouent...
Un jury regarde ensuite tous les films et rend son verdict en novembre. Le palmarès est vaste: meilleurs film, meilleurs scénario, meilleurs acteur, etc... Pour autant il ne faut pas se faire trop d'illusion... Le concours étant ouvert à tous, on y affronte des équipes professionnelles et aguerries - certaines sont des habituées des 48h et raflent la mise à chaque fois ! Quand on est une équipe amateur et renouvelée chaque année, comme la nôtre, on n'a quasiment aucune chance. Du coup on ne joue pas pour gagner mais simplement pour faire un film, relever un défi et vivre ensemble une aventure humaine unique en son genre le temps d'un week-end mémorable !
Organisation
Le succès d'un 48h tient beaucoup dans son organisation en amont. Là-dessus, on est rodé ! Recherche de lieux de tournage, recherche d'acteurs, organisation des équipes techniques et artistiques, accueil et briefing des nouveaux, organisation logistique (repas, couchages, transports...), préparation du matériel, chargement des batteries, configuration des logiciels de montage... Ça commence un mois en amont pour s'intensifier lors de la dernière semaine précédant le 48h. La feuille de calcul, éternel outils pour organisateurs en tous genres, nous est bien utile.
Cette année nous avions une nouveauté à intégrer: la participation d'un ingénieur son sur le tournage pour diriger les jeunes, puis pour retravailler la bande son après montage.
Chaque année un jeune de l'équipe est chargé de la réalisation du film. Cette année ce fut Robinson, 15 ans, un jeune passionné qui a un gros projet de court-métrage en cours de production et dont on vous reparlera très vite. Pour lui ce 48h aura été une mise en jambe en tant que réalisateur !
Nous avons également eu la chance d'avoir des acteurs que nous apprécions beaucoup: Franck qui nous avait beaucoup ému aux 48h d'il y a deux ans dans le rôle d'un homme rongé par les démons de son passé ; Jean-Pierre et Fabienne, toujours fidèles à nos réalisations ; Yvon qui d'habitude est à la régie mais avait envie de tenter le jeu cette année ; et enfin le jeune Loïc dont ce fut le tout premier 48h.
Quant à l'équipe technique elle était composée de plusieurs jeunes déjà bien rodés à nos tournages, et de quelques nouveaux.
Enfin, nous avions accès un un lieu magique pour le tournage: un jardin prêté par un particulier avec une très belle vue en profondeur, une superbe cabane sur pilotis (mais qu'on n'aura finalement pas utilisé!) et des canapés. Pour les intérieurs nous avions des solutions plus précaires (lieux étroits ou sombres...) mais heureusement la météo nous fut très favorable et nous aura permis de ne tourner qu'en extérieur !
Vendredi soir: kick-of
Pour nous le 48h commence le vendredi à 16h, moment du départ de Gisors où nous allons chercher 4 jeunes qui sortent du lycée, direction Paris mairie du XVème ! Il faut partir vite car la circulation est compliquée.. Nous avons d'ailleurs perdu 20 minutes en nous trompant de sens sur le périph'. Mais nous sommes arrivés bien à temps. C'est toujours très impressionnant de débarquer dans la grande salle de réception de la mairie, aux belles fresques murales, noire de monde: 150 équipes ça occupe du volume!
Nous attendons un long moment avant de tirer au sort - nous sommes parmi les derniers de la liste. C'est le réalisateur qui s'y colle. Ça se fait très simplement: on tire un papier dans une casquette que nous tends une organisatrice... pour cette année ce sera "Horreur ou film d'époque" ! Ouch pas de chance... Deux genres difficiles et en plus on en a déjà tiré horreur l'an dernier. Mais faire un film d'époque? Comment, avec quoi? Quelle époque? On n'a pas de costumes... On ne va quand même pas mettre nos acteurs tous nus pour jouer les hommes préhistoriques !
On n'a pas vraiment le temps de gamberger que les éléments imposés nous sont communiqués. Cette année ce sera: un ou une docteur(e) pour le personnage, une poupée pour l'objet, et la très simple phrase "Je t'aime" comme ligne de dialogue. Tout de suite les visages s'éclairent! Tant pis pour la répétition de l'an passé, les éléments se prêtent admirablement à un film d'horreur: un docteur (forcément psychiatre et fou!), une poupée (forcément maléfique et perverse!) et un "Je t'aime" (forcément grinçant et tordu!) L'enthousiasme revient !
Brainstorming
Dans la voiture sur le retour, puis autour d'une table en arrivant où d'autres jeune et moins jeunes nous rejoignent, les idées fusent. Dès les premières minutes nous savons tous que le "Je t'aime" serait dit par un tueur psychopathe à une poupée maléfique: ça tombe sous le sens! C'est notre point de départ. Reste à savoir: qui sont les victimes? Quelle est l'histoire du psychopathe et de sa poupée? Et le docteur dans tout ça? Pour les victimes on pense d'abord à une famille de randonneurs dans une forêt qui se réfugieraient dans une cabane mais seraient décimés un après les autres... Le tueur se serait échappé d'un asile et un médecin psy le chercherait, et préviendrait des randonneurs... On songe à des poursuites dans la forêt, on imagine milles manières de meurtres sanglants (surtout sanglants, c'est un film d'horreur!) On discute même des ingrédients à acheter le lendemain pour confectionner du faux sang.
Et puis petit à petit on trouve un peu plus de subtilité. Et si le docteur était en fait du côté du psychopathe? S'il l'aidait à tuer ses victimes, tout en faisant semblant de vouloir les sauver? OK mais quelles seraient ses motivations? Et puis que faire de la poupée? Ou DES poupées, on imagine déjà une poupée par victime, comme une sorte de vaudou... Et puis il faut trouver une bonne fin, un retournement de situation... Et si on trompait le spectateur en lui faisant croire quelque chose qui se révèle faux à la fin?
En parallèle on mange des pizzas, de la soupe et des bananes, et on appelle des parents pour leur demander de rafler les chambres de leurs enfants afin de nous ramener le plus de poupées possibles!
Peu à peu une histoire se met en place. Une histoire de meurtres bien sûr mais avec une filigrane une sombre affaire de manipulation. Le médecin est un psychiatre aux méthodes peu orthodoxe qui manipule un patient psychopathe à l'aide d'une poupée et le pousse à tuer sa propre famille, plutôt que de le faire lui-même. Et pourquoi? Parce qu'il a découvert que son fils n'est pas son fils... Mais le spectateur ne l'apprend qu'à la fin !
Ecriture et découpage
Une fois les idées bien en place, le début, la fin et la progression, on passe à la phase écriture qu'on réalise assez rapidement. On essaie de ne pas trop s'épancher sur les dialogues ! Il faut faire attention à ne pas dépasser 6 pages: en général, il on compte un peu plus d'une minute de film par page de scénario. On peaufine les détails tout en écrivant. On décide que le pot-aux-roses final sera découvert au public par une lettre du tribunal révélant la paternité génétique du fils du psychiatre: pour faire plus vrai, on va chercher une lettre de ce type sur internet et on la falsifie sur Photoshop pour changer les noms de personnes et institutions !
Enfin on passe au découpage technique: comment filmer les scènes, avec quel type de plan. On le fait simplement par des annotations dans la marge du scénario. Pour un 48h il faut aller à l'essentiel, éviter comme la peste les plans difficiles à réaliser. Le plus souvent on se contente d'une structure basique pour chaque scène, en plans fixes: d'abord un large englobant l'ensemble de l'action puis des plans serrés sur chaque personnage (en faisant attention à éviter les sautes d'axes/règle des 180 dans les champs/contre-champs), et enfin, s'il y a lieu, des gros plans sur des actions qu'on veut mettre en évidence. Ce découpage certes un peu monotone (sur un film très court ce n'est pas tellement gênant) à l'avantage non négligeable, quand on est très serré par le temps, d'être simple à réaliser et de minimiser les risques d'oublis qui mettraient à mal la continuité.
Quand on termine le scénario et le découpage il est déjà 4h du matin... on s'affale qui sur un lit, un matelas, un canapé et même des fauteuils, pour glaner quelques rares et précieuses heures de sommeil: demain le réveil sonnera à 7h pour une longue et dure journée de tournage!
Samedi: matin de tournage!
L'équipe a rendez-vous dès 8h pour la lecture de scénario. Hormis un technicien dont le GPS est cassé et qui se perd dans la campagne environnante, et une actrice qu'on n'a pas prévenu assez tôt la veille et qui pensait du coup n'être pas prise, tout le monde est à peu près à l'heure. On célèbre nos retrouvailles, les nouveaux font connaissance, puis on lit le scénario, on rappelle les rôles de chacun, on se refait un petit briefing de dernière minute, on se partage le matériel et les sacs de victuailles... et en route vers le lieu de tournage !
Arrivé là-bas l'herbe est encore trempée de la rosée du matin. Heureusement la météo ne nous a pas trompée: il fait un temps splendide ! On fait quelques repérage, on choisit nos plateaux, on pose un plastique dans l'herbe pour protéger le matériel, on se fait offrir le café par nos hôtes... Pendant qu'on s'installe le propriétaire, qui se trouve être chef-électro de son métier, nous prodigue quelques précieux conseils sur les lieux de tournage, les angles de caméra, la gestion de la lumière en rapport avec l'avancée du soleil...
On dispose les canapés (accessoires) dans le jardin, les jeunes de l'équipe image montent les réflecteurs, le trépied, la caméra et - nouveauté cette année - l'écran de visée pendant que ceux de l'équipe son s'isolent avec l'ingé-son pour un briefing matériel et perchage. Les acteurs apprennent leur texte, s’imprègnent de leurs personnages, répètent rapidement avec le réalisateur et son assistant (votre serviteur). Cette année pas de scripte: difficile de confier ce poste à un jeune inexpérimenté, et on n'avait pas assez d'adultes disponibles. Tant pis, on fera sans !
Puis on prépare le premier plan: on choisit l'angle et la valeur, on dispose la caméra à la bonne distance, on arrange un peu le décor, on place les acteurs. Une fois le cadre définitivement fixé l'équipe son entre en jeu pour se caler: le perchiste se place, règle la hauteur de sa perche avec le cadreur ("bord cadre"), le jeune jouant le rôle de l'ingé-son coiffe son casque et règle le gain d'entrée. Enfin on est prêt à tourner ("PAT") pile à 10h, l'heure qu'on avait prévu: c'est une affaire qui roule!
Premier clap!
On écrit les numéros de plan sur le clap, puis c'est la célèbre séquence du démarrage de la machine: l'assistant réalisateur réclame le silence... Et là, au lieu de se lancer directement sur le premier plan, on décide un "silence plateau": tout le monde se tait, parfaitement immobile, et on enregistre 30 secondes à 1 minutes de silence. Bien sûr le silence n'est jamais complet sur un plateau, surtout en extérieur: chant des oiseaux, bruissement du vent, bruits de la campagne au loin... Cet enregistrement nous permettra, au montage, de combler des "trous" ou de couvrir des bruits parasites. Le "silence plateau" devrait se faire chaque fois qu'on change de lieu de tournage mais trop souvent on a tendance à l'oublier dans le feu de l'action. Puisqu'on y pense, on en profite: comme ça ce sera fait.
Cette fois c'est bon, on peut lancer la machine pour le premier plan: "Silence s'il vous plaît, on tourne!" demande l'assistant réal, suivi d'un "Moteur". Les équipes image et son enclenchent leurs enregistrement et répondent "ça tourne à l'image" / "ça tourne au son". L'assistant réal demande alors une "Identif": le clapman, qui s'était préalablement positionné devant les acteurs, annonce "Scène 1 / Plan 1 / Prise 1" et clap, puis il sort du champ. L'assistant réal informe alors le réalisateur que le plateau est à lui : il n'a plus qu'à dire "Action !" dès qu'il le souhaite. Quand le plan se termine il dit "Coupez" et on passe à la prise suivante - ou bien au plan suivant si la prise est bonne.
Un tournage, toute une aventure !
Et ça dure comme ça toute la journée, séquence après séquence, plan après plan, en suivant le découpage technique décidé la veille à 4h du matin. Les premiers plans sont un peu laborieux, comme toujours sur un tournage: les acteurs doivent se mettre dans leur personnage, le réalisateur trouver le meilleurs moyen d'exprimer ses souhaits, l'équipe technique apprendre à se caler les uns avec les autres. Mais peu à peu la machine s'huile et roule de mieux en mieux, jusqu'à trouver son rythme de croisière.
Comme toujours il y a des moments un peu tendus, le stress (on n'a qu'une journée de tournage, il faut impérativement boucler avant la tombée de la nuit!) fait commettre des erreurs, on oublie des choses importantes qu'on paiera au montage, un acteur se blesse (sans gravité heureusement)... Et il y a des moments drôles, des éclats de rire où la pression se relâche: comme cette séquence avec quatre acteurs sur le plateau qui disent impeccablement leurs répliques... mais dans un ordre complètement farfelu et surréaliste ! Des instants magiques aussi où les acteurs nous surprennent, comme Franck quand il devient fou ou lorsqu'il cite "Bernie" très à propos en donnant un mémorable coup de pelle, ou quand le jeune Loïc réussi à afficher l'air hautain que demande son personnage avec un naturel désarmant !
Et puis il y a les à côté mémorables comme un duo magique de chant accompagné à la guitare pendant la pause déjeuner, ou bien la confection laborieuse mais hilarante de faux sang avec un mélange improbable de miel, chocolat, café, eau et sirop de fruit rouge.
Ainsi que les côtés moins sympas: une campagne... qui n'est pas si calme qu'on voudrait le croire! Entre le klaxon du boulanger itinérant qui nous embête pendant presque une demi-heure, le tracteur du voisin qui passe et repasse toute la journée, un jeune qui pousse sa musique à fond dans sa chambre toutes fenêtres ouvertes, des avions qui tournent aux dessus de nos têtes... L'équipe son est au supplice et on est parfois obligé d'attendre de longues et précieuses minutes que le silence veuille bien revenir.
Toutes les heures environs je récupère les cartes mémoires pour les sauvegarder en double sur mon PC portable et un disque dur externe, à l'aide d'un petit script que j'avais préalablement préparé. Question de sécurité: on ne voudrait pas reproduire la catastrophe notre première édition des 48h il y a trois ans, où nous avions perdu toute la journée de tournage en un instant suite à une erreur de manipulation !
La fin de la journée est un peu tendue : la lumière décline, il faut finir vite. Le réalisateur, du genre perfectionniste, aimerait qu'on lui laisse un peu plus de temps pour obtenir ses plans parfaits mais je suis obligé de jouer le mauvais côté de mon rôle d'assistant: il faut avancer, passer à la suite, on n'a plus le temps de peaufiner.
Dernier plan et on remballe
Le dernier plan est effrayant : les corps des victimes ensanglanté, entassés dans une baignoire au milieu du jardin. Un beau décor pour une belle image mais un supplice pour les acteurs obligés de rester de longues minutes les uns sur les autres dans une position inconfortable, sans bouger, avec une sauce au miel, chocolat et fruits rouge leur coulant sur le visage et la peau!
Enfin j'annonce la fin du tournage : tout est dans la boîte, on a réussi ! Comme c'est coutume au cinéma, on s'applaudit... avant de passer au rangement, sans transition. C'est qu'il ne faut pas perdre de temps: la deuxième étape du marathon est passée mais la course continue, on n'a plus que 24h devant nous pour monter le film!
On remballe, on dit au revoir à nos hôtes et on rentre. On s'accorde quand même une petite heure pour un bon dîner d'équipe spécialement préparé par les parents d'un des jeunes. Et attention, pas n'importe quoi: salade de pâtes, hachis parmentier et marbré au chocolat. De quoi bien se requinquer avant une deuxième nuit sans sommeil ou presque !
Dérushage
On copie les données depuis le disque dur où elles avaient été sauvegardées vers le SSD de la station de montage, on ouvre le logiciel Adobe Premiere, on importe et c'est parti pour le dérushage! Comme l'an passé nous avions pris soin de brancher l'enregistreur sur la caméra: ainsi pas besoin de synchro, les pistes sonores sur les vidéos sont déjà les bonnes. Un vrai gain de temps !
Le dérushage consiste à récupérer chaque prise de chaque plan, et choisir la meilleure. C'est souvent la dernière - sur le tournage en général on passe au plan suivant dès qu'une prise est bonne ! Mais pas toujours: il peut y avoir des bons passages sur les autres prises. Et il faut de toute façon les conserver car parfois, elles peuvent rendre de bons services pour boucher des trous au montage. Le processus est simple mais long : je m'occupe d'isoler les prises et de les positionner côte à côte, puis on fait tous ensemble (le réal, moi-même et plusieurs membres de l'équipe qui ont souhaité rester pour le montage) le choix des meilleures prises.
Montage
Il est déjà tard quand commence enfin le montage à proprement parler: construire chaque séquence en alternant les plans (avec les prises sélectionnées au dérushage ou d'autres quand ça s'y prête), en donnant du rythme et de la dynamique, et en faisant attention aux continuités, à la cohérence du récit, à la compréhension de l'histoire, aux transitions. Pas toujours facile: certaines séquences donnent du fil à retordre: parfois il faut s'y reprendre plusieurs fois avant de trouver les solutions qui marchent ! Quitte à tricher quand c'est nécessaire.
Au fur et à mesure que la nuit avance l'équipe montage se réduit: à la fin ne restent que moi-même, le réalisateur et deux autres jeunes. On alterne un peu au clavier, même si je suis devant la plupart du temps: je connais bien le logiciel et j'ai assez d'expérience pour monter très rapidement, contrairement aux jeunes pour qui c'est plus difficile. Je parviens tout de même à prendre une petite heure et demi de sommeil pendant que les jeunes montent une séquence, puis je me réveille, prend deux ou trois café et quelques bananes, et c'est reparti alors que les jeunes s'accordent à leur tour un court moment de repos. Quand ils reviennent ils usent d'une méthode bien à eux pour se réveiller: courir dans le froid de la nuit au milieu du village endormi !
Un travail long, difficile, mais très créatif et qui roule bien: on avance ! Et surtout sans s'arrêter car cette année on vise une fin de montage très tôt le dimanche!
Dimanche: fin de montage et musique du film
A tambours battants, nous terminons le montage vers 10h le matin du dimanche. Après un peu d'étalonnage pour peaufiner les images - dont on est plutôt content, en dehors du choix pas toujours judicieux de l'ouverture de l'objectif sur le plateau qui donne un peu trop de profondeur de champs - le compositeur passe voir où on est. Il nous dit avoir déjà travaillé à partir du scénario qu'on lui avait envoyé la veille: il a apporté au showroom de son magasin de piano - qui se trouve à quelques mètres à peine de notre "camps de base" - des instruments variés dans l'idée de créer des sons et des ambiances, plus adaptées au style de film que des mélodies. Le réalisateur est partant: il part avec le musicien, plusieurs autres de l'équipe, de quoi enregistrer et une caméra pour le making-of. Là-bas pendant une heure et demie ils travaillent ensemble à trouver des sons différents, parfois rythmés, parfois simplement mystérieux, pendant que je reste pour peaufiner l'étalonnage. Cette année je ne travaillerais pas le son: déjà il n'est pas si mauvais en dehors de quelques passages venteux - on maîtrise de mieux en mieux les prises de son sur nos tournages ! - mais surtout notre ingé-son va y passer toute l'après-midi en studio, bien mieux que je ne saurais le faire moi-même !
Au retour des jeunes on se concocte vite fait un déjeuner avec des restes de la veille, qu'on avale devant l'écran. On importe les musiques et on les place de-ci, de-là: pas facile car on s'est tant habitué à la bande son sans musique pendant des heures de montages, qu'on à l'impression de tout casser à chaque fois ! Le temps nous fait défaut: il faut partir au plus vite vers Argenteuil si on veut accorder un maximum de temps à notre ingé-son et se laisser encore une marge de sécurité. Du coup on bâcle un peu cette phase... Mais bon, c'est le lot des 48h!
On exporte le film sous plusieurs formats pour le traitement du son, on ajoute les rushs sonores au cas où, on met tout ça sur un disque et on n'oublie surtout pas les deux clés USB qui serviront à copier le film finalisé. Cette année pas de papiers à remplir: quasiment tout peut se faire en ligne le soir après avoir rendu le film, ça facilite les choses.
Studio son, "sa" tourne mal (il fallait bien une petite erreur...)
Nous partons vers 14h15 pour arriver à Argenteuil 45 minutes plus tard. Notre chauffeur a bien pris soin de dormir la nuit précédente: à ses côtés nous ne sommes guère bavards, somnolant sur la plupart du chemin!
Arrivé à Argenteuil l'ingé-son nous accueil dans son studio situé en sous-sol, une pièce étroite mais très impressionnante: capitonné, pleine de claviers, instruments, micros, ordinateur et diverses machines dont nous ne savons pas bien à quoi elles servent. L'ingé-son ne perd pas une minute: il branche le disque dur qu'on lui a apporté, importe les données et se lance tout de suite à la tâche. Peu à peu, en partant du début du film, il nettoie les innombrables séquences sonores: filtres, EQ pour améliorer les voix, réduction des bruits parasite et des vrombissements du vent, ajouts de silences plateaux, ajout de quelques bruitages... Un travail de longue haleine que le réalisateur a le courage de suivre d'un bout à l'autre pendant que les autres spectateurs, moi compris, somnolent à tour de rôle ou bien remontent prendre un café dans le jardin.
Pour la séquence de la poursuite notre ingé-son avait préparé un petit bruitage bien sympa de film d'horreur se terminant sur un crash angoissant pour le moment du coup de pelle meurtrier... Mais à son grand regret nous faisons le choix, avec le réalisateur, de conserver à la place le bruit métallique de la pelle enregistré sur le tournage en la tapant sur un arbre: tellement drôle, tellement épique, tellement "Bernie", aussi !
L'heure avance, on dépasse la marge de sécurité qu'on avait prévu de s'accorder... Notre chauffeur se veut rassurant mais je commence à stresser un peu: la circulation dans Paris c'est tellement aléatoire... On termine dans la précipitation: il faut encore exporter puis copier en double, sur deux clés USB qui se révèlent affreusement lentes !! L'an prochain on emmènera un PC avec nous pour terminer dans la voiture... L'horaire devient critique: on n'a même pas le temps de faire une dernière vérification de l'ensemble du film, on se contente de quelques secondes juste pour être sûr d'avoir exporté la bonne version.
On ne repère donc pas qu'on a commis une erreur... Une qu'on regrettera aux projections. Quand on a retiré la petite séquence son style "film d'horreur" on l'a d'abord simplement déplacé sur la piste sonore, juste pour tester avant de prendre la décision et pouvoir la remettre facilement si finalement on avait décidé de la garder. Mais dans la précipitation on a oublié de l'effacer pour de bon après-coup... Du coup elle est toujours là, mais à un endroit du film où elle n'a absolument rien à faire, allant jusqu'à couvrir la voix des acteurs pendant 20 longues secondes ! Malheureusement on ne l'apprendra que le lendemain, en vérifiant le film pour la première fois. C'est le lot des 48h !
Course contre la montre !
Tout ce qu'on sait à ce moment-là c'est qu'on n'est plus du tout sûr d'arriver à temps ! Notre marge de sécurité est entièrement grillée, ça va être très très juste. Si on en croit Google Maps, c'est même mort: on arrivera avec 3 minutes de retard... On fonce vers la voiture et on démarre sur les chapeaux de roue. Heureusement notre chauffeur est un professionnel (vraiment, c'est son métier dans la vie) et il sait conduire vite tout en respectant le code de la route et en assurant la sécurité, priorité absolue ! On ne vous le cache pas : par moment, les jeunes et moi-même aurions bien aimé qu'il grille un ou deux feux rouges quand même... On est tellement stressé qu'on en oublie la fatigue: personne ne dort ! Je donne l'enveloppe avec les clés USB à un des jeunes, bon sprinter, car on n'aura pas le temps de se garer : il devra sauter et foncer !
Mais bon ça marche: on ne perd pas de temps. Et même on en gagne: peu à peu on grappille à Google Maps les deux ou trois minutes qu'il manquait pour arriver à l'heure: l'espoir renaît !
Enfin on arrive prêt de la mairie du XVe: les jeunes sautent du véhiculent et foncent sans demander leur reste, je les suis à mon rythme de vieux tandis que le chauffeur va se garer....
... Ouf ! C'est bon ! On l'a eu ! Au final les jeunes sont même arrivés au "check-point", là où on se fait tamponner les enveloppe pour valider l'horaire, avec 4 bonnes minutes d'avances. Même le chauffeur a eu le temps de se garer et de nous rejoindre avant le décompte final, 4 minutes plus tard.
Voilà c'est fait, on a fait un film en 48h !
On monte dans la salle pour rendre le film et émarger, puis on s'accorde une petite demi-heure à la terrasse d'un café sur la place où on discute avec d'autres équipes qui ont rendu leur film à temps. Enfin on reprend la voiture et on rentre chez nous. Sur le chemin du retour silence de mort: hormis le chauffeur nous sombrons tous dans un profond sommeil bien mérité !
Bilan d'une aventure humaine
Comme chaque année on s'améliore: l'organisation est désormais bien rodée, on sécurise soigneusement les données pour ne pas reproduire la catastrophe de la première année, on maîtrise de mieux en mieux la technique, image comme son. Et puis il y a un effet d'entrainement : plusieurs des jeunes ont déjà vécu un voire deux 48h, ils entraînent maintenant les nouveaux. Ces deux dernières années on n'a pas eu de chance sur les genres tiré au sort: deux fois "film d'horreur", un genre difficile et qui ne se prête guère à l'émotion... Mais au moins très amusant à réaliser, et puis c'est un défi.
Cette année ce fut notre toute première fois avec l'intervention d'un ingé-son: là-dessus, forcément, on a un peu fait les pots cassés. Après discussion avec lui on a décidé de s'organiser mieux l'an prochain: il restera avec nous après le tournage pour commencer le traitement du son en parallèle au montage. Ça nous permettra de gagner de précieuses minutes et de s'accorder le luxe de vérifier ce qu'on fait avant d'exporter la version définitive.
Pour les jeunes, le 48h est avant-tout l'occasion de travailler ensemble, de passer des bons moments, de mieux se connaître. Le 48h à un petit côté "week-end d'intégration" : loin de leur routine quotidienne, plongé au cœur de la magie des tournages et du temps si particulier d'une production (surtout pour un 48h !), ils vivent une aventure humaine unique en son genre. Pour les passionnés de cinéma rien de tel que ces deux jours intensifs pour apprendre t progresser. Pour les autres c'est une aventure dont on se souvient ensuite pendant longtemps. Bien sûr, les jeunes sont un peu fatigués les jours qui suivent et ça peut se ressentir au collège ou au lycée... Mais c'est un événement rare, que peu ont la chance de connaître et qui n'arrive qu'une fois l'an: ça en vaut la peine !
Pour le jeune Robinson en particulier ce fut sa une première expérience de réalisation: écrire, imaginer un découpage, tenir un plateau, choisir son cadre, diriger ses acteurs... Ça ne s'invente pas ! Il s'en est très bien tiré, me permettant notamment à moi son assistant de m'absenter par moment pour m'occuper des sauvegardes (opération sensible que je préférais prendre la responsabilité d'assurer moi-même !) sans que le tournage n'en pâtisse. Et ça lui a permis de vivre ça au moins une fois et prendre un minimum d'assurance avant de passer aux choses sérieuses, un projet de court-métrage en cours de production dont on vous reparlera très vite !
Quant à notre film d'horreur des 48h, qui s'intitule "Maman", on va le retravailler avec le réalisateur et l'ingé-son d'ici mi-novembre, date où on pourra le publier: peaufinage du montage, des musiques (dont on a un peu bâclé les poses..), nettoyage des sons indésirable suite à notre erreur, et finalisation du travail sur la bande son. Vous aurez donc droit à une version en ligne bien meilleurs que celle que vous aurez l'occasion de voir au cinéma Grand Action si vous venez aux projections de novembre.
Bref une belle première pour le Tout Court ! : on remet ça l'an prochain !